LES GUERRES CONTEMPORAINES
 
 

Durant son enfance, le jeune Miyazaki a été profondément bouleversé par les bombardements d'Hiroshima et de Nagasaki, et ces images de la Seconde Guerre Mondiale se retrouvent dans trois de ses oeuvres : Princesse Mononoké, le Château dans le ciel et Nausicaä et la Vallée du Vent

Tout d'abord, l'action principale de ces 3 films se déroule dans un endroit magique. C'est un endroit souvent isolé, quasi utopique, qui soulève beaucoup de mystère chez le spectateur, comme chez le héros de l'histoire. Cet endroit est souvent un espace de verdure rassurant, verdoyant et accueillant. Son pincipal ennemi? L'être humain, et ce qu'il apporte.


La forêt du Dieu Cerf est un lieu parfaitement isolé de la civilisation humaine. Cette forêt magnifique est un véritable havre de paix pour les animaux et les divinités qui y vivent. Plus loin, on peut y trouver un petit îlot appelé "l'île du Shishigami", entouré d'eau pure et sacrée. C'est un endroit magique et mystérieux.



Laputa : une île flottante et mystérieuse bien connue par les hommes, une véritable légende. Et c'est pour cette raison qu'elle attire tant : entre ses murs, le château de Laputa abriterait le plus grand et le plus merveilleux des trésors. Malheureusement, personne n'a réussit à le voir ou à prouver son existence. Sauf un homme : le père de Pazu (le héros du film).

Nausicaä de la vallée du vent

Comme les deux précédents, la vallée du vent pourrait être considérée comme une utopie. En effet, l'espace est immense et la nature règne en maître sur ce territoire verdoyant et isolé de tout.


Pourtant, la quiétude des lieux ne va pas durer bien longtemps. Dans Nausicaä et la Vallée du Vent, quand les Tolmèques arrivent dans la vallée, ils importent leur cruauté et leur violence, et s'imposent comme les maîtres de cet endroit, détruisant ainsi les derniers espoirs de Nausicaä : ne jamais apporter la pollution dans la vallée du vent. En s'installant, les Tolmèques apportent les impuretés de leur monde et infectent le lieu. En brûlant le paysage, ils ne font qu'empirer la situation. La nature est démunie face à la civilisation humaine.
Dans Princesse Mononoké, c'est parce que les hommes dégradent la forêt et la profanent que la guerre éclate entre les deux peuples. Si Eboshi ne s'était pas mise en tête de gagner du terrain en détruisant tout sur son passage, la paix entre les hommes et les animaux aurait été possible.
Dans Le Château dans le ciel, c'est à cause de la cupidité et de la cruauté des hommes qui ne recherchent que le pouvoir et l'argent que la puissante dévastatrice de Laputa se réveille, gâchant ainsi la cohabitation entre la nature et la science.
Dans ces deux derniers cas, la nature est en proie à se détruire elle même par le biais de l'homme.

Ces trois films se ressemblent d'une certaine manière : l'utopie doit se battre face à l'homme pour survivre. 


Dans le Château dans le ciel, les images de guerre sont très présentes. Il y a de nombreuses scènes de combats aériens, ce qui n'est pas sans rappeler la passion de Miyazaki pour les machines volantes. Ces épisodes donnent un côté "aventure" au film. Cependant, le nombre de ces scènes est dû à l'acharnement d'un des personnages, Muska, un descendant direct de la famille royale de Laputa. Ce personnage cherche sans arrêt à déstabiliser voire tuer Pazu et Sheeta pour se retrouver seul dans la course et atteindre enfin son but : le trône de Laputa. Cette idée renverse la situation et donne au film un côté plus tragique et sérieux, dont le but est de décrire la folie d'un homme mégalomane.  



 
Machines de guerre et combats aérien


Le personnage de Muska est dangereux pour les deux héros comme pour Laputa : s'il réussit à s'emparer de l'île, il aura en sa possession des armes fatales et destructrices. En effet, les gardiens de Laputa sont des robots géants (qui rappellent le robot de l'oeuvre de Paul Grimault, Le Roi et l'Oiseau) possédant un pouvoir incomparable à toutes les armes du monde réunies. Si l'on donnait ce pouvoir à Muska, ce serait comme donner une bombe nucléaire à un terroriste : catastrophique. Lorsque qu'un des robots endormis est réveillé grâce à Shita (l'héroïne et une des descendantes de Laputa) avec son cristal magique, il détruit d'un poing la forteresse. Cela montre aux spectateurs la puissance de ces robots.


  
Shita réveille le robot avec son cristal et réveille ainsi sa puissance. 
 

Dans Nausicaä et la Vallée du Vent, il n'y a qu'une attaque aérienne : celle du vaisseau tolmèque (les ennemis de Nausicaa) avec les insectes géants. Cette scène est très importante car c'est à partir de ce moment là que les Telmèques s'imposent comme les chefs de la vallée du vent et qu'ils s'installent.
De plus, ils apportent avec eux une arme destructrice, une sorte de monstre mutant d'un taille non négligeable, et s'emparent de la Vallée : ils empêchent les habitats de sortir en bloquant toutes les issues possibles, ils les obligent à collaborer avec eux, ils prennent des otages... 


    
A gauche, le champignon atomique crée par le Soldat Géant, et à droite, un vaisseau Tolmèque


Si Miyazaki évoque ces mouvements violents, ces armes destructrices, c'est avant tout pour rapporter ce qu'il a vécut et décrire le traumatisme des Japonais face aux bombardements, mais aussi pour rappeler les conflits du passé comme l'occupation allemande dans la France de Vichy (un exemple parmi tant d'autres...) et les plus actuels comme les bombardements irakiens. Il n'est donc pas étonnant de remarquer que ces deux oeuvres qui représentent la puissance destructrice des armes et des ravages humains prennent une forme d'apocalypse.


 
Fat Man et Little Boy, les destructeurs de tout un pays.



Dans Princesse Mononoké, cela n'est pas si différent. Miyazaki explique de façon plus ou moins explicite le conflit entre les hommes et la Nature. Pour cela, il n'hésite pas à montrer des images choquantes, qui pourraient surprendre et effrayer un enfant en bas âge, avec par exemple la violence des combats entre les villageois et les samouraïs, ainsi que le sang qui coule à flot de la blessure de la louve Moro.
Cette guerre est déclenchée par une femme, Dame Eboshi, responsable du meurtre de la forêt et de la disparition de la faune. Tout au long du film, chacun essaie de pénétrer le territoire de l'autre pour s'imposer : les habitants de la forge pénètrent dans la forêt pour se débarasser au maximum de sa population, tandis que San se rend directement dans la forge pour tuer Dame Eboshi.  Entre ses deux adversaires, il y a Ashitaka, personnage neutre qui souhaite rétablir la paix entre son propre monde et celui de celle qu'il aime, mais qui ne sait pas vraiment comment s'y prendre.



La puissance des armes à feu de Dame Eboshi est le principal facteur de la destruction de la forêt...


Le Château dans le Ciel et Nausicaa sont les oeuvres les plus marquées par le souvenir de la guerre. Dans Nausicaa, Miyazaki parle de la pollution de la nature, et de la toxicité de la forêt qui détruit peu à peu la vallée. Cet épisode rappelle aux japonais le tragique épisode de la pluie noire, qui suivit de près les bombardements, une pluie radioactive qui détruisit le peu qu'il restait des terres japonaises. Dans Le Château dans le ciel, la puissance inimaginable des robots géants n'est pas sans rappeler celle des deux bombes qui ravagèrent le pays.
Dans ces deux cas, les oeuvres se répondent : Miyazaki montre la menace très puissante que représente le nucléaire sur l'Homme.


Contrairement aux idées reçues, Princesse Mononoké est l'une des oeuvres de Miyazaki les plus optimistes. Quand Dame Eboshi tire sur le Dieu Cerf, celui se transforme en un monstre gigantesque qui détruit tout sur son passage. Un habitant de la forge ira jusqu'à dire "c'est la fin de tout". Et pourtant, en rendant sa tête au Dieu Cerf, le spectateur voit un nouveau monde se créer, un monde ou la nature a le dessus sur l'homme.



En perdant sa tête, le Dieu Cerf libère le mal. 
 

La fin du film serait d'ailleurs la vision idéale du monde du réalisateur japonais. Dans une interview, il aurait dit très simplement : " J'aimerais être là quand la population humaine sera déchue et qu'il n'y aura plus d'immeubles du fait que plus personne ne pourra les financer. Tout ceci m'enthousiasme. L'argent et le désir... Tout cela va s'écrouler et les herbes sauvages et verdoyantes envahiront tout ". Ce qu'il souhaite au plus profond de lui, c'est un monde sans conflits, sans guerres, sans bombes atomiques. Et c'est au travers de ces oeuvres que nous y trouvons ses blessures, et celles d'un peuple tout entier.




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